Les enjeux sécuritaires du stress hydrique en Europe du Sud
Cette note analyse comment le stress hydrique, un phénomène croissant défini par une forte tension sur les ressources hydriques causée par un déséquilibre entre l’offre et la demande en eau, peut être accentué par les changements climatiques et les activités humaines, et affecter les sociétés en Europe du Sud et les armées françaises dans la conduite de leurs missions. Cette note se divise en trois parties : une analyse des conséquences sociétales du stress hydrique en Europe du Sud et des potentielles conflictualités associées (I), une étude des enjeux opérationnels et organisationnels que ce stress hydrique implique pour les armées françaises et leurs partenaires européens (II), et enfin, trois scénarii de prospective à l’horizon 2050, assortis de recommandations à destination du ministère des Armées (III).
La note présente les conséquences des changements climatiques sur le cycle de l’eau en Europe du Sud, et les facteurs conduisant à une raréfaction de l’eau douce disponible. Cette analyse des facteurs de raréfaction s’inscrit dans un contexte d’inadéquation entre la demande et l’offre. Ainsi, depuis une cinquantaine d’années, la demande en eau est en croissance constante en Europe du Sud en raison notamment de la croissance démographique, de l’urbanisation, du développement de l’agriculture et de l’industrie énergétique. Pour autant, les politiques publiques européennes s’inscrivent dans des logiques qui tiennent souvent de la maladaptation et entraînent finalement une intensification des situations de stress hydrique.
L’eau et le stress hydrique possèdent un potentiel conflictuel. En effet, bien qu’il soit peu probable que des guerres conventionnelles interétatiques soient déclenchées par le stress hydrique en Europe du Sud, la ressource peut néanmoins être instrumentalisée par des États lors de tensions. À l’échelle locale, le stress hydrique peut également conduire à des conflits d’usages concernant l’appropriation, la gestion ou l’exploitation de l’eau. Le recensement effectué par l’Observatoire dans le cadre de cette note montre une augmentation de ce type de conflits en fréquence et en intensité en Europe du Sud entre 2000 et 2024.
Pour les armées, les enjeux liés au stress hydrique sont triples. (1) Les emprises sur le territoire français devront faire face à des variations croissantes de la disponibilité en eau. Pour autant, l’intégration de ces risques par les armées est consubstantielle aux situations hydriques de chaque région. (2) Les conditions d’entraînement et de déploiement des forces armées seront également affectées par une diminution qualitative et quantitative de la ressource en eau dans un contexte de hausse des besoins en eaux destinés à la consommation humaine (EDCH). (3) Enfin, la multiplication des crises hydriques expose les armées à un risque de limite capacitaire, notamment pour les interventions de secours d’urgence.
À l’échelle européenne, l’Espagne, le Portugal, l’Italie et la France ont adopté des stratégies militaires structurelles et holistiques des enjeux hydriques, afin de réduire leurs consommations. D’autres pays, tels que la Slovénie, adhèrent à une vision technocentrée et réactive face à ces enjeux. Bien que l’armée grecque ait été à l’initiative de la principale coopération militaire européenne sur la gestion de l’eau dans les emprises, le projet Smart Blue Water Camp, elle semble peu active sur la gestion de l’eau. Si la coopération est fréquente dans la gouvernance de l’eau, elle est plus rare dans le domaine militaire, en particulier dans le cadre des OPEX où la volonté de conserver l’autonomie logistique prévaut.
Consultez la note pour découvrir les recommandations réalisées par l’équipe de recherche de l’Observatoire Défense et Climat, ainsi que les infographies et les deux cartes relatives aux conflits liés à la ressource en eau et aux interventions militaires de secours d’urgence en réponse à des feux de forêt en Europe du Sud.