Interventions de secours d’urgence en réponse aux catastrophes climatiques : quel rôle et quels enjeux pour les forces armées françaises ?
Cette note analyse l’impact des changements climatiques sur les interventions de secours d’urgence (ISU) menées par les forces armées françaises en réponse aux catastrophes naturelles d’origine climatique. Elle se divise en trois parties : l’impact des changements climatiques sur l’évolution des ISU en France et les conséquences opérationnelles et capacitaires pour les forces armées françaises (I), puis l’étude de l’utilisation des interventions étrangères de secours d’urgence (IESU) comme un levier d’influence et de puissance militaires par les nations actives dans ce domaines telles que les États-Unis, la Chine, la France, l’Inde et l’Australie (II), et enfin, trois scénarii de prospective à l’horizon 2050 et des recommandations à destination du ministère des Armées (III).
Les forces armées françaises mènent régulièrement, en appui aux forces de sécurité civile, des interventions de secours d’urgence (ISU). Ces interventions, auxquelles l’on se réfère aussi par l’expression Humanitarian Aid and Disaster Relief (HADR), consistent à fournir une aide humanitaire et des secours lors de catastrophes ou de situations d’urgence. Lorsqu’elles sont menées sur le territoire national, les forces armées les mettent en œuvre sur réquisitions ou demandes de concours, en complément des forces de sécurité civile selon la règle des « 4i » : les moyens de la sécurité civile civils doivent être jugés inexistants, inadaptés, insuffisants ou indisponibles. Ces interventions peuvent également être menées à l’extérieur sur la demande d’un État en difficulté, et peuvent prendre la forme d’une aide bilatérale, comme s’intégrer à des processus d’aide multilatéraux, notamment par le biais du Mécanisme européen de protection civile (MEPC) ou du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (United Nations Office of the Coordination of Humanitarian Affairs, OCHA).
Les changements climatiques induisent une hausse générale, en intensité et en fréquence, des catastrophes naturelles. Dans ce contexte, de nombreux chercheurs et acteurs de la défense soulignent que l’intervention des forces armées est de plus en plus fréquente, ou devrait l’être dans un futur proche, pour répondre à ces catastrophes (Lobry, 2017 ; Palle & Jolly, 2020 ; Observatoire Défense & Climat, 2021). Cette préoccupation est exprimée dans la Stratégie Climat et Défense du Ministère des Armées, qui mentionne des missions d’appui à la sécurité civile « susceptibles de se multiplier » (ministère des Armées, 2022). Elle s’est par ailleurs traduite par deux publications dédiées : un rapport de l’Observatoire des conflits futurs (FRS/IFRI, 2021) et un article d’auditeurs de l’IHEDN (2021)[1]. Cependant, aucun travail ne semble à ce jour avoir documenté l’augmentation passée des ISU militaires, et l’absence de démonstration scientifique sur ce plan fragilise les réflexions stratégiques et les projections sur l’évolution future du rôle des armées (Labbe, 2023).
Consultez la note pour découvrir des infographies et deux cartes relatives aux interventions extérieures de secours d’urgence (IESU) de la France en réponse à des catastrophes d’origine climatique (2010-2023) et les principales zones de projection de l’Australie, de la Chine, des États-Unis et de l’Inde pour des interventions extérieures de secours d’urgence (IESU) en réponse à des catastrophes d’origine climatique (2010-2023)
[1] La première met l’accent sur les cadres juridiques et les enjeux capacitaires de la multiplication des ISU pour les forces armées françaises. La seconde, plus courte, développe principalement une approche comparative des pratiques de pays de la zone transatlantique (États-Unis, Allemagne, Espagne) pour penser l’adaptation ou l’amélioration du modèle français, et se concentre sur des dynamiques capacitaires et de coopération. Une synthèse de chacune de ces publications est disponible en annexe de ce rapport.