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Enjeux de défense
15 novembre 2023

La Chine face aux changements climatiques : une quête d’influence et de puissance écologiques

par Marine de Guglielmo Weber, chercheuse au sein du programme Climat, Énergie et Sécurité de l’IRIS, avec la collaboration de Yente Thienpont et Gabriel Bonnamy, assistante et assistant de recherche à l'IRIS.

Cette note sur la quête d’influence et de puissance écologiques de la Chine face aux changements climatiques se divise en trois parties : une première partie consacrée à l’instrumentalisation de l’information climatique à des fins politiques et diplomatiques ; une deuxième partie consacrée au leadership économique que la Chine cherche à développer dans le cadre de l’atténuation et de l’adaptation face aux changements climatiques ; et enfin, une troisième partie consacrée à l’utilisation par la Chine des opérations HADR (Humanitarian Assistance and Disaster Response) en tant qu’outil d’influence et de puissance militaire.

ronniechua

Au cours des deux dernières décennies, un certain nombre d’analystes ont pointé un processus de « climatisation » des relations internationales (Dahan, 2018), consistant en l’émergence d’une conscience globale des changements climatiques, ainsi qu’en une restructuration des discussions internationales autour de la question climatique. Les États ne peuvent plus faire abstraction de celle-ci dans le cadre de leurs stratégies d’influence[1] et de puissance[2], qui doivent nécessairement concilier responsabilité climatique et intérêt national.

Les deux dernières décennies sont également marquées par l’essor de la Chine parmi les grandes puissances économiques mondiales. Cet essor s’est traduit par une forte hausse de ses émissions de gaz à effet de serre (GES), qui l’ont conduite à devenir le premier émetteur mondial, émettant 30 % de la totalité des GES de la planète[3]. Paradoxalement, ces deux décennies sont également marquées par une prise en compte croissante des enjeux environnementaux par la Chine – on verra notamment apparaître, dans la Constitution de 2012 du Parti communiste chinois, le concept de « civilisation écologique[4] » – et  par une montée en puissance de la Chine dans les discussions internationales sur le climat : celle qui était encore perçue, à la COP15 de Copenhague, comme une mauvaise élève et puissance bloquante des accords[5] devient, à la COP21, puissance facilitatrice et indispensable de l’Accord de Paris (Gemenne, 2018).

Ce tournant dans les politiques chinoises peut s’expliquer, de prime abord, par un certain nombre de préoccupations socio-environnementales. L’explosion des émissions de GES de la Chine a en effet entraîné une détérioration critique de la qualité de l’air sur son territoire, causant plus d’un million de morts par an, fragilisant la légitimité du Parti en tant que pourvoyeur de santé publique, et entraînant une prise de conscience par les autorités de la dangerosité des changements climatiques (Maréchal, 2021). Mais ce tournant est également motivé par des raisons stratégiques, pouvant être ramenées à trois impératifs : un impératif diplomatique, consistant à se positionner en tant que leader mondial et responsable sur la scène internationale (I) ; un impératif de puissance économique, consistant à se positionner en tant que puissance économique incontournable, pourvoyeuse de fonds climatiques à l’égard des pays les plus vulnérables, mais aussi pourvoyeuse d’énergie verte (II) ; et enfin, un impératif de puissance territoriale et militaire consistant à tirer parti de la vulnérabilité climatique de certaines régions pour y implanter et faire monter en compétences ses forces armées dans le cadre d’opérations d’aide humanitaire et de secours en cas de catastrophe (III).

 

[1] Capacité d’un État à faire valoir ses intérêts de manière non coercitive, notamment par des mécanismes culturels de rayonnement.

[2] Capacité d’un État à faire valoir ses intérêts de manière coercitive, notamment par des mécanismes économiques et militaires.

[3] Cf. « Les chiffres de la responsabilité climatique à l’échelle internationale », Annexe 1.

[4] Inscrite dans la constitution chinoise depuis les années 2000, la « civilisation écologique » serait une civilisation fondée sur le respect de l’environnement et des limites planétaires (Monjon et al., 2021). Par ce concept, la Chine entend se placer comme leader et modèle d’une transition écologique mondiale (Goron. C., 2018).

[5] Jusqu’en 2005, la Chine refusait toute forme d’engagement de réduction en raison d’arguments comme la faiblesse des émissions par habitant chinois, l’absence de responsabilité historique chinoise dans les changements climatiques observés et le manque de ressources technologiques et financières nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (Bjørkum, 2005).

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