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Enjeux de sécurité humaine
9 novembre 2022

Quelles implications géopolitiques et sécuritaires de la vulnérabilité climatique dans la Caraïbe insulaire ?

par Marine de Guglielmo Weber, chercheuse au sein du programme Climat, Énergie, Sécurité de l’IRIS, avec la collaboration de Maxence Michelet et Mathilde Joly, assistants de recherche à l'IRIS

La présente note traite des conséquences actuelles et à venir des changements climatiques au sein de la Caraïbe insulaire, et de leurs implications géopolitiques et sécuritaires. Dans cette perspective, cette analyse se concentre sur l’arc caribéen, traditionnellement subdivisé en deux ensembles : les Grandes Antilles, s’étendant depuis Cuba, au nord-ouest, jusqu’à Porto Rico ; et les Petites Antilles, allant des Îles Vierges jusqu’aux îles de Trinidad-et-Tobago qui, plus au sud, bordent les côtes vénézuéliennes.

@Getty Images

Aussi la région est-elle à la fois marquée par la diversité de ses sous-ensembles géographiques, politiques et culturels, et par son intégration au vaste ensemble latino-américain et caribéen. Elle présente également des conditions géologiques particulières, la séismicité du nord de la Caraïbe ainsi que d’Haïti s’expliquant par la rencontre des plaques tectoniques caribéenne et nord-américaine, séparées par la microplaque de la Gonâve. Cette région tropicale, déjà exposée à des conditions météorologiques extrêmes, est d’autant plus vulnérable aux effets des changements climatiques. C’est ce qui poussait le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, à s’exprimer en ces termes lors de l’ouverture du sommet de la CARICOM (Caribbean Community and Common Market) en juillet 2022 : « Les Caraïbes sont en première ligne de l’urgence climatique mondiale » (Schneider, 2022, 4 juillet).

À cette spécificité régionale s’ajoutent des caractéristiques propres aux territoires insulaires : faible superficie, isolement géographique, forte dépendance vis-à-vis des continents, ou encore activités économiques peu diversifiées, et directement tributaires des ressources naturelles locales. Malgré des disparités politiques, économiques et démographiques, le partage du caractère insulaire se traduit par une expérience commune des changements climatiques. En effet, l’insularité des territoires intensifie non seulement leur exposition – par exemple, aux aléas côtiers du fait de l’importance des littoraux, ou bien encore aux aléas hydriques du fait de stocks en eau limités – mais aussi leur vulnérabilité climatique, notamment par le biais de la dépendance des économies insulaires vis-à-vis des secteurs du tourisme et de l’agriculture. L’insularité est également un facteur limitant des moyens financiers et politiques d’atténuation et d’adaptation qui doivent être déployés pour réduire l’exposition et la vulnérabilité climatiques des territoires, en ce sens rassemblés par la nécessaire régionalisation des initiatives. Dans cette perspective, la coopération régionale doit composer avec l’importante diversité socioéconomique des îles, mais aussi leur importante diversité politique. Ces îles comptent des États indépendants, pour la plupart des petits États insulaires en développement (PEIDs), et des juridictions insulaires infranationales, c’est-à-dire des territoires non-souverains liés aux États-Unis, à la France, aux Pays-Bas ou encore au Royaume-Uni.

La diversité de statuts politiques au sein des territoires non-souverains de la région, variant selon leur degré d’autonomie vis-à-vis des puissances auxquels ils sont rattachés, est également une caractéristique des territoires français. En effet, si la Guadeloupe et la Martinique sont des départements et des régions d’outre-mer, Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont devenues des collectivités d’outre-mer en 2003, après avoir été longtemps intégrées en tant que communes au département d’outre-mer de Guadeloupe. Cette distinction juridique est structurante pour la présence française dans la zone, les forces armées aux Antilles étant exclusivement implantées en Martinique ainsi qu’en Guadeloupe. Le maintien du dispositif militaire aux Antilles constitue un défi de taille face aux changements climatiques, qui compromettent l’opérabilité des emprises comme des équipements, mais aussi la santé des soldats. Les pressions climatiques croissantes qui s’exercent sur les capacités opérationnelles des forces seront un élément déterminant dans la conduite des deux missions historiques de la France dans la région : la lutte contre le narcotrafic et le secours aux populations.

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